Le Premier ministre canadien a décidé d’assouplir les règles climatiques de l’État fédéral en signant un pacte avec la province pétrolière de l’Alberta. Au risque de mettre en péril sa politique pro-climat ?
Après plusieurs mois de spéculations, le Canada est finalement passé à l’action en annonçant, le jeudi 27 novembre dernier, l’assouplissement de ses politiques climatiques afin d’encourager les investissements provenant de la province de l’Alberta.
L’accord conclu entre le Premier ministre Mark Carney et son homologue albertaine Danielle Smith prévoit l’abandon par Ottawa du plafond d’émissions imposé au secteur pétro-gazier, ainsi qu’un allègement des normes encadrant la production d’électricité propre.
En échange, l’Alberta promet de renforcer son système de tarification du carbone pour l’industrie et de soutenir activement un vaste projet de captage et de stockage du CO₂ à portée internationale. L’entente vise également à faciliter la construction d’un nouveau pipeline vers la côte Ouest.
Cette infrastructure est considérée comme essentielle à la diversification des débouchés commerciaux du brut canadien. Pour permettre sa réalisation, le gouvernement fédéral envisage de modifier la loi imposant un moratoire sur les pétroliers au large de la côte nord de la Colombie-Britannique.
Rompre la dépendance au marché américain
L’ambition est d’ouvrir un nouvel accès vers les marchés asiatiques, au moment où l’oléoduc Trans Mountain – géré par Ottawa – approche de sa limite après un triplement de capacité avec la hausse continue de la production albertaine.
Il s’agit d’une question de diversification cruciale pour Ottawa dont les exportations pétrolières sont actuellement absorbées à près de 90% par les États-Unis d’un Donald Trump plus que jamais imprévisible.
Cette dépendance devient d’autant plus préoccupante que Washington brandit la menace de nouveaux droits de douane susceptibles d’ébranler davantage l’économie canadienne. À travers cet accord avec l’Alberta, Mark Carney tente de maintenir un équilibre précaire.
D’un côté, il démantèle progressivement certaines restrictions environnementales héritées de son prédécesseur Justin Trudeau. De l’autre, il réaffirme l’engagement du Canada à atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Des fissures au sein du gouvernement fédéral
Quelques heures après la signature, le ministre de l’Identité et de la Culture canadiennes, Steven Guilbeault, a exprimé son désaccord en présentant sa démission. Symbole supplémentaire de la fragilité de la position du Premier ministre : la Colombie-Britannique, par où doit passer le futur oléoduc, a déjà annoncé son intention de s’y opposer fermement.
Par ailleurs, plusieurs groupes autochtones de la région ont promis de bloquer tout chantier, invoquant leurs droits territoriaux et leurs inquiétudes écologiques, notamment le risque de déversements dans des zones marines particulièrement sensibles.
Le projet doit également surmonter d’énormes défis financiers. Dans un contexte où les prix du pétrole fluctuent et où la transition énergétique mondiale s’accélère, la viabilité à long terme d’une infrastructure pétrolière aussi coûteuse fait l’objet de débats intenses.

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