
Ottawa explore discrètement l’idée d’abandonner la contrainte réglementaire sur le secteur pétrolier et gazier longtemps promise, au profit d’une approche plus consensuelle négociée avec l’État producteur d’Alberta.
Le plafond fédéral d’émissions déjà mort avant même d’entrer en vigueur au Canada ? Selon des sources proches des discussions citées par Reuters, le gouvernement du Premier ministre Mark Carney réfléchit à cette idée avec les principaux acteurs concernés par cette mesure, notamment les compagnies énergétiques et la province de l’Alberta, principal producteur pétrolier du pays.
La piste actuellement à l’étude consisterait à abandonner la limite d’émissions en échange de nouveaux engagements contraignants destinés à réduire la pollution. Annoncé en novembre 2024 par le gouvernement de l’ancien Premier ministre Justin Trudeau, le règlement sur les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre (GES) devait s’appliquer en 2030.
Il prévoit de contraindre le secteur pétrogazier à réduire ses GES à 137 millions de tonnes d’ici cette échéance, soit environ 37% en dessous des niveaux de 2022. Cependant, cette réglementation n’a jamais été inscrite dans la loi et demeure à l’état de projet. Cet attentisme résulte de tensions autour du texte.
Des divergences d’interprétation
Les compagnies pétrolières et gazières dénoncent en effet unanimement cette contrainte, arguant qu’elle les contraindrait à réduire drastiquement leur production dans un contexte économique déjà fragile. L’Alberta, en particulier, a exprimé des préoccupations, se basant sur des études évoquant des impacts négatifs importants sur la production, le PIB et les revenus provinciaux.
Selon un rapport produit par le directeur parlementaire du budget (DPB), l’application du plafond pourrait réduire le PIB réel du Canada de 0,39 % en 2032 et entraîner une perte de 40 300 emplois à temps plein.
Des débats sur la compétence du gouvernement fédéral pour imposer de telles régulations ont également émergé, certains arguant que cela relève plutôt des provinces. Entre-temps, Carney a été élu avec des promesses de protectionnisme économique contre les tarifs américains.
Le nouveau chef du gouvernement semble ainsi plus ouvert à remodeler l’agenda climatique canadien autour des résultats plutôt que des objectifs stricts. Les conseillers reconnaissent d’ailleurs d’après Reuters, que le ton gouvernemental a considérablement évolué.
L’Alberta au cœur des négociations
Pour adoucir cet accord potentiel, Ottawa souhaiterait qu’Alberta et le secteur redoublent d’efforts sur des projets comme Pathways, une initiative de capture et stockage du carbone à grande échelle.
La stratégie de compétitivité climatique proposée par le nouveau gouvernement, qui devrait être lancée cet automne, s’appuiera largement sur des incitations et des investissements.
Lors d’une récente réunion du Parti libéral, Mark Carney a même déclaré l’ambition du Canada de devenir la première superpuissance énergétique mondiale, mariant l’innovation technologique propre avec un secteur pétrolier et gazier conventionnel revitalisé.
Les critiques arguent cependant qu’abandonner le plafond sans alternatives solides pourrait compromettre l’engagement du Canada de réduire ses émissions de 40 à 45% en dessous des niveaux de 2005 d’ici 2030.
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