Melissa révèle les failles du mécanisme des obligations catastrophe

Ce mécanisme d’assurance inversé repose sur des seuils de déclenchement si extrêmes qu’il se révèle rarement opérationnel lorsque les États en auraient le plus besoin, et, même lorsqu’il s’active, les indemnités versées demeurent dérisoires au regard des dommages subis. Illustration avec le cas de l’ouragan Melissa en Jamaïque.

Pour la première fois depuis 2022 après le passage de l’ouragan Ian, une obligation catastrophe sera activée à son niveau maximal. C’est le cas de la Jamaïque, récemment ravagée par l’ouragan Melissa, un cyclone de catégorie 5.

Considéré comme le phénomène le plus violent jamais enregistré sur l’île, Melissa provoque une perte intégrale pour les détenteurs de l’obligation de 150 millions de dollars émise antérieurement par l’État jamaïcain. À cela s’ajoutent une ligne de crédit supplémentaire de 300 millions de dollars et un versement de 92 millions au titre d’une assurance paramétrique.

Cette enveloppe, totalisant environ 542 millions de dollars, offre-t-elle un véritable espoir pour la reconstruction ? À peine. En effet, cette somme reste dérisoire face aux besoins réels de remise en état du pays.

Une manne financière loin de combler les besoins

Comme le souligne Verisk Analytics Incorporated auprès de Bloomberg, les pertes assurées liées à l’ouragan Melissa oscillent entre 2,2 et 4,2 milliards de dollars, et le coût total serait nettement supérieur du fait d’une couverture d’assurance très limitée sur le territoire.

Pour cause, moins de 20 % des logements jamaïcains disposent d’une protection adaptée. Beaucoup d’analystes estiment de fait que le décalage entre les montants mobilisables par ces obligations et le coût réel des catastrophes, expose les carences de ce mécanisme.

Pour Waller Ramaron, ancien gouverneur de la banque centrale de Trinité-et-Tobago et co-auteur d’un rapport du groupe V20 (pays vulnérables au climat), cité par Bloomberg, la rigidité de ces outils profite avant tout aux investisseurs au détriment des populations les plus fragiles.

Un dispositif financier en débat

Les obligations catastrophe offrent aux émetteurs – compagnies d’assurance ou États – la possibilité de transférer le risque vers les marchés financiers. Les porteurs de titres acceptent le risque d’une perte si une catastrophe survient, mais peuvent bénéficier de rendements élevés dans le cas contraire.

Dans le cas de la Jamaïque, les investisseurs s’étaient vu promettre un taux flottant de 7% au-dessus des taux du marché monétaire américain. La situation est d’autant plus compliquée que l’année dernière, l’obligation jamaïcaine avait échoué à s’activer malgré la dévastation causée par l’ouragan Barrel.

Cette situation renforce la nécessité de réexaminer l’adéquation de telles solutions pour les pays les plus exposés aux phénomènes climatiques. Désormais, les investisseurs observent de près les conséquences de Melissa, dans l’espoir que cette crise permette de dissiper les incertitudes qui entourent encore ces produits financiers.


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